MONEY TALKS

Publié le par asaghost

Jaipur, Rahjastan, Inde
Heure locale : 5.39pm Temp.ext. : 49°C humidité : 0%
latitude : 26°53'0.60"N longitude : 75°47'0.06"E

Son : Money Talks, Saint Dog

 

Voilà, dernier jour avant le départ, c'est l'heure des comptes et je fais rapidement mon calcul au prorata des jours passés avec Ravindra. Son patron m'avait donné un tarif pour X jours, finalement, c'est un peu moins donc je préfère prendre les devants en effectuant moi-même les calculs et la conversion euros/roupies (le prix forfaitaire m'avait été annoncé en euros..). A ce moment là de l'histoire, je n'ai pas vraiment la patate, la baraka, ce tour du Rahjastan m'a épuisé. Physiquement d'abord, parce que la température n'est jamais descendu en dessous de 45°, que j'ai parfois eu du mal à m'alimenter, que je n'ai jamais aussi peu et mal dormi, que je me suis retrouvé plusieurs fois déshydraté et que depuis quelques jours, j'ai des crises de tachycardie assez puissante à chaque fois que je m'allonge (ça va même jusqu'à me couper le souffle par moment, assez flippant). Et moralement, épuisé aussi, parce que ça été le combat permanent dans ma tête entre tout ce que je voyais de magnifique mais aussi de très dur, bataille avec les indiens qui vous accostent à longueur de journée, à chaque pas que vous faites, manque aussi de ma girlfriend, mes potes, pour la première fois dans un voyage, l'envie de vivre tout ça avec d'autres pour mieux tout digérer, bataille avec moi-même pour essayer de stabiliser les pensées quand la chaleur la fait dériver d'un extrême à l'autre en quelques secondes, halluciner sur le fait que dans toutes les épiceries, 99% des produits sont périmés...bref, un bout de voyage vraiment incroyable et super mais vraiment dur aussi donc quand on arrive chez Asif, le patron de Ravindra, j'ai presque envie de filer les sous en même temps que je lui sers la main et partir voir ailleurs si j'y suis. Mais ça ne se passe pas tout à fait comme ça. Je suis accueilli par Asif, ses deux frères, un ami, ses enfants et sa femme qui se tient en retrait et on m'emmène à l'intérieur d'une maison en piètre état. Ravindra a acheté une grande bouteille de coca sur le trajet et la femme d'Asif s'éclipse pour nous préparer un plateau avec des verres tandis que nous nous installons dans la pièce principal...la chambre à coucher ! Moins de 15m2, éclairé par un néon qui n'éclaire qu'à moitié, la chaleur est étouffante, la semi obscurité super glauque et on s'installe tous sur le lit, en tailleur. Asif me dit que c'est dans cette pièce qu'ils dorment tous, lui et sa femme dans le lit, ses parents par terre avec les frères et les enfants ! Pendant dix minutes, on ne parle presque pas et on boit le coca. J'essaie deux trois plaisanterie mais comme j'ai un humour de merde, ça tombe à plat à chaque fois et puis en plus j'ai pas le cœur à trop plaisanter, j'ai terriblement envie de me barrer mais Asif n'a pas l'air de vouloir parler argent pour le moment. S'ensuit une bonne vingtaine de minutes où Ravindra, Asif, l'ami d'Asif et les deux frères parlent en indien, langue que je comprends très très mal et puis les enfants viennent jouer dans la chambre, sautent partout et du coup, plus personne ne fait attention à moi et avec la chaleur, la moiteur de la pièce, j'ai presque l'impression de ne plus exister à leurs yeux, sensation très particulière et pas du tout agréable jusqu'à ce que je comprenne que Asif attend que ce soit moi qui parle d'argent. Alors je sors ma petite feuille de calcul avec mon histoire de prorata, mon taux de change du jour et là, les visages se durcissent. Jusqu'alors, Asif avait l'air triste, embêté et tous avait un air grave, préoccupé. Là, ça empire quand Asif se saisit de ma feuille de calcul comme s'il n'avait pas prévu ça. Ce qu'il avait prévu, il me le dit très vite : le prix annoncé était valable pour X jours mais si jamais je ne partais pas pour la durée déterminé, j'ai tout de même un forfait, un prix limite au dessous duquel je ne peux descendre et qui représente deux ou trois jours de paye en plus de ce que j'ai calculé. Dans ma tête, je me dis que jusqu'au bout on va tenter de me baiser dans ce pays ! Je pousse donc ma petite gueulante comme quoi ce genre de choses, il faut en parler avant, c'est ça le business, prévoir les aléas en amont, pas à la fin quand tout est consommé. Asif tire la gueule, Ravindra a un petit sourire en coin et me fait un clin d'œil (il faut savoir que pendant tout le périple fait avec lui il n'a cessé de me répéter qu'il voulait doubler Asif et monter sa propre société de location de chauffeur !), l'ami et les frères font profil bas. Après une réflexion courte, Asif me dit d'un air de chien battu que ce que je dit est vrai mais que bon, son business a pas été bon ces temps ci alors à moi de voir si j'accepte ou pas de payer plus ! Je pourrais être une nouille, une bonne poire française mais sur le coup, j'en ai tellement marre (oui car Ravindra m'a aussi seriné pendant tout le trajet que je ne devais pas oublier son pourboire, me donnant des exemples de pourboires que d'autres lui avaient donné et qui n'étaient pas suffisants !! Gonflés à bloc les gars..), donc j'en ai tellement marre que je refuse, il avait qu'à prévoir avant et je fais mine de me lever pour partir après avoir refilé une liasse de roupies à Asif. Je le laisse quand même recompter et il me prend la main et me fait promettre que si je reviens au Rahjastan, je ferais appel à lui (nouveau clin d'œil de Ravindra qui m'avait fait promettre la même chose), que si je connais des gens qui veulent visiter le Rahjastan, je dois leur donner son adresse parce qu'il veut augmenter son business, engager des nouveaux chauffeurs, acheter de nouvelles voitures...Je lui réponds qu'il n'y a pas de soucis tout en pensant complètement le contraire...car ça y est, je suis sur le point de non retour, le point de craquage, je VEUX me barrer de ce putain de pays !!! Ils me saoulent tous avec leur histoire de business, d'argent, j'en peux plus, je précipite les adieux et une fois dans la voiture avec Ravindra qui me ramène à l'hôtel, celui ci me dit qu'il compte sur moi pour lui amener des nouveaux clients afin qu'il démarre son business en solo...T'inquiètes Ravindra, je vais parler de toi...

Voilà, retour à l'hôtel, dernière nuit dans la surchauffe du Rahjastan, j'en profite pour me taper une tranche d'occident en me matant The Big Lebowsky des fréres Cohen et qu'est ce que ça fait du bien du bon gros humour de ricains...motherfuckers ! Le lendemain, on se mange six cent bornes pour rejoindre New Dehli avec Ravindra dont un des cousins profite du voyage. Je me déshydrate à nouveau sur le trajet et arrive à l'aéroport avec une crise de tachycardie qui durera jusqu'à ce que je m'endorme dans l'avion en direction de...Hong Kong...paye ton choc culturel...!

 

PS : je sais que j'ai été parfois un peu dur vis à vis du Rahjastan et des indiens, il faut bien comprendre que j'ai vraiment adoré cette partie de mon voyage mais que j'en ai chié et que ça altère pas mal le jugement. Mais je confirme quand même un truc, même si une bonne tranche de la population est vraiment super cool, beaucoup sont de véritables casse burnes à toujours s'intéresser à vous pour vos thunes, il y a une réelle hypocrisie qui au bout d'un moment porte sur le système. Vous croyez rencontrer un gars sympa avec qui discuter, partager et finalement, non, il veut juste vous vendre un truc et à partir du moment où vous ne voulez pas acheter, le comportement change complètement et c'est à peine si vous ne vous faites pas injurier (d'ailleurs, on retrouve ce genre de comportement sur le site d'Angkor avec les marchands ambulant qui n'hésite pas à lancer des fuck you quand vous ne voulez pas leur acheter de cartes postales ou de coca...et ça, c'est pas bon...). Bon sinon, je le redis une fois quand même : visiter le Rahjastan, c'est puissant ! Je le conseille vraiment à tout le monde, expérience complètement hors du commun, j'ai vraiment pris mon pied. De plus, j'ai peut-être finis par parler beaucoup de point négatif mais ils n'ont pas été majoritaires du tout et par manque de temps, par flemme et parce que j'ai d'autres trucs à faire, je ne vous ai pas tout raconté sur ce voyage et j'ai vécu plein d'autres moments incroyables en plus de ce que vous avez pu lire. Et même si j'en ai chié, j'ai très envie de revenir rôder dans les parages un de ces quatre...Et je tiens à rajouter aussi un truc vis-à-vis des indiens (ceux qui n'en veulent pas à vos sous)...ils sont vraiment super gentils, souriants et fiers de leur pays et c'est un truc qui fait plaisir à voir. Et quand par moment je me demandais comment ils faisaient pour vivre dans de tels conditions pour certains, ce qu'il vaut mieux se dire dans ce genre de moment, c'est qu'ils méritent le respect...

 

 

 

Publié dans step 006 : Rahjastan

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