CHARNIER

Publié le par asaghost

Birkaner, Rahjastan, Inde
Heure locale : peu importe Temp.ext. :50°C humidité : 0%
latitude : ... longitude : ...

Son : Eon Blue Apocalypse, Tool

 

D'où on vient et où on va, je ne sais même plus à force d'enchainer depuis dix jours, mais à ce moment là, l'Ambassador fonce sur la route, le soleil de midi et quelques brille sur le capot, le vent brulant pénètre par rafale dans l'habitacle, les chants du Rahjastan résonnent depuis le portable de Ravindra, le désert s'étend dans la poussière au delà des baraques isolés que nous croisons, la route elle même à l'air plus pâle que d'habitude comme s'il elle subissait une insolation malencontreuse et ma vision de l'horizon, au bout de cette route, est flouté comme si j'étais plongé dans une mer trouble. Je termine ma bouteille d'eau, les deux gorgées qui restent sont brûlantes, j'ai envie d'en boire le triple, je sens la sueur qui coule sur mon ventre et inonde mon short en continu, le visage de Ravindra est luisant, ses mains crispés sur le volant, et ses yeux plissés, concentrés sur les kilomètres qu'on absorbe comme un chemin de croix incendiées. Et soudain, il y a cette odeur terrible qui remplit l'air comme si on avait plongé la tête la première dans les réserves de souffre de l'enfer. J'ai juste le temps de tourner la tête sur le côté opposé de la route, le visage de Ravindra au volant devient flou et l'arrière plan net, visions furtives de carcasses, de sang séchés et de muscles noircis, des chiens errants, des cadavres gisants, un virage et à nouveau l'étendue du désert comme si la vision d'avant avait été mirage. Mais l'odeur est toujours là, incrustée dans mes narines, souillant mes poumons, je m'entends dire à Ravindra de s'arrêter et je saute de la voiture avec mon appareil photo en main, tentant d'ajuster ma vision dans la fournaise, affinant mon flair dans le sens du vent, traçant l'odeur de viandes avariées à une cinquantaine de mètres en arrière. Les pieds dans la poussière sur la route, les pieds dans la poussière du bas côté et les pieds dans la poussière tâchée de sang séché, de tripes devenues luisante comme du cuir tanné, quelques pas de plus et je suis au milieu d'un charnier d'animaux dont l'âme à fuie depuis longtemps et les corps s'usent dans les rayons d'un soleil qui donnent l'impression que des braises tombent du ciel comme un déluge sec, aride, toujours plus brûlant, prononçant un peu plus fort l'odeur de mort à peine balayé par le vent du désert criminel. Les mouches forment des nouvelles peau sur les chaires à vifs, les chiens errants arrachent avec sauvagerie des morceaux de matières putrides, peaux tendues, muscles secs et infestés de vers, les estomacs des vaches ont explosés suite à la macération des sucs, des chèvres ont l'air d'avoir été jetés là après que leur peaux aient été arrachées, des cadavres s'entassent par petits tas informes et grossiers, un reste de squelette se devine à côté d'une tête plus récente qui n'a plus de corps mais des restes de muscles recouverts de poussiéres et une langue fanée qui s'étirent entre des dents noircies, des centaines de carcasses s'entassent là, pourrissant au soleil, garde manger des prédateurs de la terre et du ciel et l'odeur insupportable s'élève dans l'air comme les flammes d'un bûcher sauvage et ma place n'est pas ici, dans le royaume des morts, je repars à reculons, étrangement fasciné par la suite implacablement logique de la vie...fucking death...

 

Publié dans step 006 : Rahjastan

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